Journal d’une autre vie (2)

Jour 1444

Ça fait un moment que je n’ai pas écrit, comme l’indique l’écart colossal entre le dernier jour rédigé et celui-ci. Un écart qui rend tout aussi colossal le nombre de choses que je voudrais raconter. En bref ? Je suis toujours malade, mon poison est toujours là et me détruit toujours, je suis toujours paumé à de nombreux égards, mais ces 4 dernières années ont été ponctuées de nombreux évènements, tous positifs à leur manière, même si en réalité, je sais que j’ai de la chance d’être en mesure d’écrire ces lignes aujourd’hui.

Après ce nouvel an infecté par ma consommation du jour 122, j’ai continué tant bien que mal à me sevrer. Et puis j’ai rechuté, je me suis repris, j’ai de nouveau rechuté, et encore, et encore, dans un cercle vicieux dont je ne compte plus les tours. J’écris aujourd’hui sous les effets de ma rechute, et il s’agit peut-être de ma 50eme, 100eme, 200eme rechute ? Aucune idée.

Durant les 1322 jours qui m’ont séparés de ma précédente écriture, j’ai appris, beaucoup, énormément. Sur moi, sur mon addiction, mais pas seulement. Narcotiques Anonymes en particulier a été une source d’apprentissage incroyable. J’aimerais tant que le quidam lambda puisse pouvoir avoir ne serait-ce qu’un aperçu de ce qu’on y trouve. Ça m’a appris la bienveillance, la tolérance. Pas la bienveillance dont on fait preuve quand on est gentil avec son prochain, mais celle dont on fait preuve quand on sert dans ses bras quelqu’un qui a tué plusieurs fois des gens à cause de sa consommation, et qu’on lui souhaite de réussir à se rétablir autant que possible. C’est pas la même.

Ça m’a appris à gérer la mort aussi.

NA, c’est un endroit incroyable dans lequel le plus profond inconnu est d’office ton meilleur ami. Et ce qui créé naturellement ce lien, je crois que c’est le rapport à la mort que les gens entretiennent. Cette discussion que j’ai eu m’a beaucoup chamboulé, ça date d’il y a environ 3 ans maintenant.

« Guibole – Oui je sais bien que je devrais arrêter la conso, mais bon, ça va, je déconne de temps en temps, mais globalement je gère !

Ami – Mais nous on ne te dit pas ça pour te faire chier, parce qu’on n’a pas confiance ou quoi, on te dit ça parce qu’on a peur qu’un jour tu ne puisses plus revenir en réunion ! »

Compte tenu du ton et du contexte, c’était clair que cette personne ne parlait pas d’une fracture du tibia ou d’une expatriation à l’étranger. Des gens qui viennent en réunion, et subitement n’y viennent plus, il y en a. Beaucoup. Et c’est très souvent pour la même raison : celle qui leur interdit définitivement de lever le pied le matin. C’était le cas d’une de mes amies que j’ai trouvé là-bas.

NA c’est un endroit où les gens s’aident à survivre. Et cette volonté de vie peut créer des choses magnifiques. C’est un cadeau que j’ai reçu et que j’essaie autant que possible de transmettre. Mais ailleurs, quand la survie n’est pas une question qui se pose parce qu’elle est considérée comme acquise, les gens sont moins motivés qu’à NA. Comment leur en vouloir ?

J’ai quand même fini par ne plus retourner en réunion. Ça n’était pas pour moi, je ne voulais pas de la vie d’abstinence que prônaient les NA. Trop brutal, trop difficile, la fatalité de ce choix a toujours été trop compliquée pour moi. Longtemps je me suis justifié le fait de refuser l’abstinence complète par le fait que c’était trop simple : je voulais dominer, et gérer ma dépendance. A la foi parce que mon égo est revenu en force depuis ce fameux jour zéro, et aussi parce qu’avoir un problème à gérer en permanence me donne de la consistance, une chose à faire qui m’éloigne de l’ennui que me suggère une vie bien rangée. Mais j’ai compris depuis que c’était un mensonge de moi à moi : si je refuse l’abstinence complète, c’est parce que ma dépendance est trop profondément ancrée en moi, et que l’abstinence complète c’est le pire coup de pute que je peux lui faire.

C’est l’apprentissage le plus douloureux et difficile que j’ai eu à faire jusqu’à présent : réaliser que j’étais faillible, que je me mentais à moi-même, que je me trompais moi-même, et que je me manipulais moi-même, et pas dans le bon sens. Je sais depuis longtemps que la dépendance est une maladie qui trompe son hôte, le déni en est la démonstration la plus flagrante et la plus connue. Mais l’année dernière j’ai aussi compris que cette tromperie était beaucoup plus insidieuse et omniprésente que je ne le pensais.

C’était un lundi, en fin de journée. J’avais prévu d’aller boire un verre lors d’une rencontre bimensuelle avec un groupe de personne que le polyamour rassemblait. J’avais prévu d’y aller seul, et de ne pas boire. Rien d’incroyable ou de très compliqué pour moi, ça n’était pas la première fois que je faisais ce genre de choses. Pourtant, je stressais, et beaucoup. Pourtant, dans ma douche, j’avais la boule au ventre, et vraiment peur. Sensation très irrationnelle, parce qu’il n’y avait aucun enjeu : j’y allais, je discutais avec des gens, je pouvais partir quand je voulais et retrouver mon lit le soir. Et encore une fois ça n’était pas la première fois ! Alors pourquoi avoir aussi peur ?

Et puis ça m’a frappé.

J’ai souvent imaginé ma dépendance comme un petit démon qui possède mon corps, et pervertit mes pensées. Comme une créature qui a sa conscience propre et me manipule. Je n’ai jamais été aussi près de la réalité qu’à ce moment-là, car j’en étais sur : c’était ma dépendance qui provoquait ma peur. C’était elle qui me foutait la boule au ventre, parce que si j’avais peur, le moyen le plus simple de faire disparaitre cette sensation c’était la conso. Mais enfin merde, c’est pas possible ! Ma dépendance n’est pas un truc avec une conscience propre, elle n’est pas intelligente au point de pouvoir me manipuler à ce point ! Me faire stresser pour une soirée dans l’idée de me pousser vers la conso ? Ca me paraissait un peu trop gros.

Et puis mon addicto a tranché le sujet pour moi : mon intuition était la bonne. Oui, ma dépendance m’a manipulée au point de me faire ressentir de la peur à un moment où il n’y avait pas lieu d’en ressentir. C’est ce qu’on appelle le renforcement négatif : les émotions négatives « soignées » par la consommation sont renforcées par la dépendance. Son versant positif existe aussi, sans doute plus difficile à percevoir : les émotions positives accompagnées par de la consommation donnent plus envie. Je n’ai pas si envie d’aller danser que ça en réalité, c’est juste que comme ça s’accompagne généralement d’une consommation, cette envie sera renforcée.

C’est là où la guerre contre la dépendance devient vraiment compliquée : je ne peux pas me faire confiance. Je savais déjà que ma rationalité et mes raisonnements logiques pouvaient être pourris par l’addiction, mais je me retrouvais face à encore pire que ça : je ne pouvais pas faire confiance à mes propres émotions. Avec quelles armes est-ce que je peux lutter contre un ennemi qui les utilise contre moi ?

Malgré ça j’ai quand même appris, grandit et ait renforcé ma connaissance et ma compréhension du problème. Je sais aujourd’hui quand je peux me faire confiance, et quand je ne le peux pas. Je sais aussi que je me plante régulièrement, et que beaucoup de choses m’échappent. Je sais que je n’obtiendrais jamais complètement la parfaite maitrise de ma dépendance, en tout cas je le crois. Je sais aussi qu’il y a des choses que je ne sais pas, et je sais aussi qu’il y a sans doute des choses que je ne sais pas que je ne sais pas.

Aujourd’hui, mes consommations sont un peu plus sous contrôle que l’année passée. Et à la fois moins sous contrôle. Quand je rechute, ça m’emmène dans des états psychologiques très néfastes qui peuvent durer une semaine, deux semaines, un mois. L’année dernière c’était plus simple, parce que je me laissais complètement emporter par ma dépendance : Je plongeais loin, très loin, je touchais du doigt le point de non-retour et la peur que ça engendrait me permettait de remonter. Je m’explique :

Mon foie va bien, c’est plus le souci. Le souci, c’est mon cerveau. Mon poison est particulièrement neurotoxique, et chaque rechute s’accompagne de symptômes de manque plus ou moins violents, mais qui s’additionnent aux précédents. Plus le temps passe, plus les rechutes s’enchainent, plus les symptômes deviennent violents. Et changent aussi, en nature. Aujourd’hui je ressens beaucoup moins les tremblements, par contre les angoisses peuvent être particulièrement violentes, jusqu’à la paralysie quand vraiment je déconne trop.

Et j’en arrive à mon premier « point de non-retour » que j’ai effleuré.

En janvier de l’année passée, j’ai fait une crise d’épilepsie due à mes symptômes de manque. J’aimerais dire que c’était super flippant, mais en fait non, c’était une expérience plutôt très plaisante pour moi, parce que je suis vraiment passionné de ce genre de choses.

C’était en pleine nuit, je me suis réveillé par les appels incessants d’une amie qui était à 700 km de chez moi. Rien à voir avec le téléphone, elle m’appelait par mon pseudonyme, et je l’entendais très distinctement, comme si elle était juste à côté de moi. Puis, blackout, aucun souvenir. Je rouvre les yeux, tourné de l’autre côté du lit. Aucune idée du temps qu’il a pu se passer depuis les appels de mon amie, mais probablement quelques secondes, minutes tout au plus. Pourtant j’ai l’impression que ça fait bien une heure. Quoi qu’il en soit, le temps n’est pas à la réflexion, je ressens quelque chose de très étrange, comme si mon cerveau grésillait, une sensation vraiment bizarre que je n’avais jamais eu le loisir de ressentir auparavant. Je laisse ma curiosité prendre le dessus et m’abandonne un peu face à ce sentiment étrange, excité à l’idée de découvrir une sensation nouvelle. Je me sens « partir » et les mots de mon addictologue me frappent d’un coup :

« Vous savez, à force de rechuter comme ça, vous risquez de faire des crises d’épilepsie ! Et si ça vous arrive, ça peut être irréversible, vous avez envie de devenir épileptique pour le restant de vos jours ?»

Bordel, une crise d’épilepsie, c’est ça ! La panique m’envahis et je provoque un sursaut de tout mon corps : ne sachant pas comment stopper une crise je me suis dit que m’activer en entier et de manière violente était la meilleure chose à faire si je ne voulais pas perdre connaissance. Les symptômes ont instantanément disparu, et en discutant avec mon addicto quelques jours plus tard, elle m’a informé que ce qui m’était arrivé était une « crise comitiale partielle ». En somme, une crise d’épilepsie légère, dans mon cas bénin, mais annonciatrice de problèmes plus grave si je ne me reprenais pas d’office.

Et du coup, je me suis repris, en tout cas jusqu’au deuxième point de non-retour, effleuré 10 mois plus tard.

 Ça n’allait vraiment pas, à tout point de vue. Sentimentalement, pour une raison que j’ignorais alors j’étais incapable d’intéresser la moindre personne. Au boulot c’était catastrophique à cause d’un management déplorable, et niveau conso, j’étais à risque du fait de légères rechutes un peu trop régulières. Bref, voilà un vendredi soir, ou ça n’allait pas du tout, et où je suis parti sur les quais de république avec ma bouteille d’un nouveau cocktail que la publicité m’avait poussé à acheter. 75cl de menthe à 37.5°, qui suivait 5-6 pintes de bières que j’avais bu en partie avec des amis en début de soirée. Autant dire que si je la finissais en entier, ça risquait d’être compliqué pour moi.

Mais j’y suis allé, mon désespoir jouant le rôle de motivation à ce moment-là, et remplit d’un désir d’autodestruction qui ne pouvait être satisfait que par une consommation suffisamment excessive pour bien m’assommer. Je me suis pas mal assommé sur les quais, ait fort heureusement évité de tomber à l’eau et ait repris connaissance quelques heures plus tard, toujours sur les quais. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé entre temps à cause du manque de souvenir que ma menthe a provoqué. J’ai réussi je-ne-sait-trop-comment à prendre un taxi pour rentrer chez moi. Oups, on m’a fait les poches (j’ai donc sans doute perdu conscience quelques heures), et mon portefeuille y est passé… Heureusement mon colloc m’a dépanné pour payer le chauffeur de taxi, agacé d’avoir à gérer un rebut comme moi, et j’ai pu rentrer chez moi, faire opposition sur ma carte et dormir un peu.

Le samedi était rude, vraiment. J’ai cherché dans tous les sens un moyen de me suicider de manière efficace, mais ma trousse à pharmacie n’avait pas ce qu’il fallait, et je ne voulais pas imposer à mon colloc la vue de sang. Même si je me suicidais par voie médicamenteuse ça aurait été de toute façon extrêmement traumatique pour lui, donc le sang n’est pas vraiment le souci, mais que voulez-vous, on pense rarement de manière rationnelle dans ce genre de cas.

J’ai jeté mon dévolu sur une boite de médocs acheté en vente libre en pharmacie, une de ces saloperies achetable à un prix dérisoire et en quantité gigantesque (une boite c’est facile 3 doses de défonce violente), dont la dangerosité est particulièrement importante. Mais mes règles vis-à-vis des expériences de consommations étaient toujours là, et j’ai pris une dose relativement légère. Je suis autant imprudent avec ma drogue de prédilection que je suis sérieux avec d’autres molécules. J’ai très largement sous-estimé le caractère hypnotique du médicament puisque j’ai dormi sans vraiment me reposer pendant presque 20h d’affilé. Après quoi, j’ai décidé de me reprendre en main.

Je suis retourné dans mon centre en urgence, j’ai vu ma psy, puis j’ai attendu quelques minutes pour le deuxième rendez-vous avec le seul addictologue disponible à ce moment. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai fouillé dans ma sacoche à ce moment, et j’ai pris conscience de quelque chose qui m’a complètement frappé.

J’ai toujours parfaitement conscience de la quantité de valium que j’ai, où, combien, etc. C’est un médicament très important pour moi, donc j’y fais super attention. C’est ce qui me sert à calmer mes symptômes de sevrage. Je savais que j’avais une tablette dans ma sacoche avec deux comprimés de 10mg, et une tablette pleine (10 comprimés) dans ma pharmacie. Sauf qu’en fait non. La tablette pleine était aussi dans ma sacoche, et je m’en suis rendu compte à l’instant, entre mes deux rendez-vous.

Je n’ai aucun souvenir de l’avoir mise là-dedans, et si je l’avais fait, je suis certain que je m’en serais souvenu. Je n’ai aucune raison de l’avoir prise avec moi, puisque les 2 comprimés que j’avais déjà étaient largement suffisants en cas de soucis. Puis finalement j’ai compris : la veille, j’étais en plein dans une volonté d’autodestruction, et j’avais pris cette tablette avec moi pour en finir.

Le valium seul ne pose pas de soucis, la dose létale est très grande et c’est particulièrement difficile d’en finir avec uniquement du valium. Ça demande des doses énormes qu’il est à priori impossible de se procurer par des voies légales. Par contre, couplée à un autre dépresseur du système nerveux, au hasard ce que j’avais l’intention de consommer en grosse quantité ce soir-là, c’est particulièrement dangereux. Le combo des deux peut être mortel, et dans mon cas, si j’avais ingurgité cette tablette, de l’avis de mon addicto c’est certain que je serais tombé dans le coma, en dépression respiratoire. Derrière, sans un passant lambda pour me faire du bouche à bouche dans les 5 minutes en attendant le SAMU, le résultat est facilement envisageable. Et l’initiative bienveillante du parisien lambda, un vendredi soir, il ne faut pas trop compter dessus. L’ironie dans l’affaire, c’est que je crois que je n’ai pas pris ce valium parce que j’étais trop saoul pour le faire. Ma bouteille m’aurait sauvé la vie sur le moment ?

Ça ne m’a pas plus choqué que ça d’avoir essayé de me suicider. Ce qui m’a le plus surpris, c’est le fait que je n’ai absolument aucun souvenir d’avoir essayé de le faire. Même si ma consommation de poison excessive est en soi une autodestruction que l’on peut voir comme une « mini tentative de suicide », le fait que j’ai récupéré cette tablette de valium avant de partir dans ma soirée morbide, c’était une tentative très claire de mettre fin à mes jours. Que j’aurais fait de manière inconsciente ?

Je crois qu’il se passe vraiment beaucoup de choses dans notre cerveau sans qu’on le perçoive.

Ma crise d’épilepsie et ma tentative de suicide ont été deux éléments qui m’ont beaucoup aidé à me relever. L’effet d’une grosse claque dans la gueule, d’une prise de conscience violente qui m’a offert la motivation suffisante pour me reprendre en main de manière efficace. Ce sont des évènements dont la gravité est proportionnelle à la force qu’ils confèrent.

Mais voilà, même si ma TS est arrivée il y a moins d’un an, depuis j’ai évolué, et j’ai pris conscience que même si ce genre d’évènement m’apportait une énergie très importante pour gérer mes problèmes d’addiction, je ne pouvais pas compter dessus. Je crois que ma TS m’a pas mal bouleversé, et que j’ai pris conscience depuis que j’ai de la chance d’être en vie. Je dois réussir à gérer mes rechutes, mes moments de doutes, de déprimes, mes plongées dans l’océan dégueulasse de cette saloperie qui continue de me côtoyer, mais je dois le faire sans y risquer ma vie. J’ai eu de la chance une fois, peut-être pas une deuxième. Alors je me bagarre, je lutte, j’essaie de contrôler du mieux que je peux le petit démon dans ma tête qui m’emmène vers le bord de la falaise.

Et j’y arrive.

Plus le temps passe, et plus je me rends compte des progrès que je fais. Oui, aujourd’hui encore j’ai rechuté, et ça ne sera surement pas le dernier jour. Mais malgré ça, et en relisant le début de ce journal, je prends conscience du fait que j’ai fait un chemin gigantesque depuis. En relisant mes premiers jours, à beaucoup de moment j’ai fustigé la naïveté dont j’ai pu faire preuve quand j’ai rédigé ces lignes. Peut-être que je me redirais la même chose dans 4 ans par rapport à ce que j’écris là.

Peu-importe, ce qui importe c’est que je puisse toujours écrire dans 4 ans, et je vais faire tout ce que je peux pour ça.

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Journal d’une autre vie.

Voici le récit autobiographique de l’expérience la plus incroyable de ma vie, et celle qui le restera probablement jusqu’au jour de ma mort, fut il dans 5 ou 50 ans. Chaque “jour” de ce journal a été écrit le jour même, et un soin tout particulier a été apporté à la retranscription de la réalité. Pas d’invention ou d’imagination. Le jour zéro est le 1er septembre 2015.

Jour -5 :

Ça y est, j’ai pris ma décision. Ça sera dans cinq jours. Le tournant de ma vie, la décision qui me changera à tout jamais. En mieux, si tout se passe bien. J’évite de trop penser aux conséquences d’un échec, je reste concentré sur cette date fatidique, mon valium en poche. C’est à la fois amusant et terrifiant de penser qu’un choix, une simple journée puisse complètement changer la nature d’un homme. Bien sûr, un déménagement, un voyage, un accident, peuvent être la conséquence d’une simple décision et bouleverser toute une vie. Mais moi, c’est différent, je ne bouge pas, je ne démarre pas de nouveau job, je ne me mets pas en couple, et je ne prévois pas d’avoir un accident. Je ne change même pas mes habitudes de vie. A un détail près peut-être, qui fait toute la différence. Je cesse de m’abreuver du poison mortel qui a ruiné ces deux dernières années de ma vie. Et mon foie.

Pourtant, quand je regarde un peu en arrière, je n’ai toujours pas totalement conscience du mal que je me suis fait. Je me souviens même quelques mois plus tôt me considérer comme quelqu’un d’heureux. Mais toujours est-il que je suis tombé en larmes devant mon médecin ce matin, et qu’écrire ces quelques lignes me procure le même choc émotionnel. J’imagine que beaucoup de douleurs commencent à remonter à la surface. Un bon signe probablement…

Je suis somme toute assez content de pouvoir commencer bientôt. Ces derniers jours ont tous été marqués par le ras-le-bol de ma routine quotidienne : me remettre de ma cuite de la veille, manger un peu, et subir les symptômes de manque jusqu’à ma consommation de la soirée, en constante augmentation. Je ne suis plus vraiment quelqu’un, je n’ai pas d’activités, sortir à l’extérieur est un calvaire, je tremble de plus en plus et je continue ma vie dans la déchéance en sachant pertinemment bien que chaque verre se retrouve marqué au fer rouge sur mon foie. Cicatrices que je traînerais toute ma vie. Il est grand temps que ça s’arrête.


Jour -1 :

Je profite abondamment de mon vice, en sachant que ce sera la dernière fois avant bien longtemps. Une dernière occasion de retracer un peu mon parcours ce dernier mois.

Tout est allé très vite. Finalement, c’est de prendre la décision de se bouger qui prend du temps. Une fois qu’on est lancé, tout roule. Enfin je l’espère.

Il y a un peu plus d’un mois, mon estime personnelle était au même niveau que ma motivation à arrêter de consommer, à savoir proche de l’inexistant. J’enchaînais les journées de merde ponctuées à la fois de gerbes matinales dues à mon incapacité de gérer le trop plein de bulles de la veille, et de coups de pied dans une des nombreuses bouteilles vides qui parsèment mon appartement. À ce moment, j’étais un zéro, un moins que rien, et je savais que je ne pourrai jamais m’en sortir seul. Mes amis m’ont donné la force de tenir un peu, et de commencer à essayer de remonter.

Un coup de fil chez le généraliste, une adresse, un autre coup de fil et un trajet en tramway plus tard, et me voilà dans un centre spécialisé en addictologie. Mon carnet de rendez-vous se remplit de deux entretiens par semaine : l’un avec une addictologue, l’autre avec une psy. Quelques rendez-vous qui me permettent de manière bien plus claire de statuer sur mon état. Malgré une consommation régulière depuis seulement deux ans, mon état est bien pire qu’il aurait dû être. J’ai développé des symptômes de manque au bout d’une seule année de consommation quotidienne là où il faut en moyenne trois à quatre ans. Mon foie présente des taux très anormalement élevés de marqueurs sanguins, alors que certains patients consommateurs depuis dix ans ont un foie qui commence tout juste à déconner. Je suis plus faible que la normale face cette dépendance. La cause ? J’ai pris mes premières cuites à douze ans, mon corps et surtout mon cerveau se sont développés avec un apport plus ou moins constant du psychoactif le plus neurotoxique que l’on connaisse. Finalement, il ne m’a pas fallu deux ans et des brouettes pour me ruiner à ce point. Le problème a commencé bien plus tôt. Et il sera bien plus dur de s’en débarrasser. Super.

J’ai tout de même semble-t-il plutôt bien choisi ma date de sevrage. A mon dernier rendez-vous chez l’addictologue, je lui ai apporté mes résultats sanguins. Qu’elle avait déjà : la biologiste en charge de mes analyses a visiblement paniqué en voyant mes résultats, et les lui a faxés directement, quand bien même je lui avais dit que ce n’était pas nécessaire. On passe en revue mes résultats, en terminant par les enzymes hépatiques. S’en suit une des pires tortures psychologiques qu’il m’est été donné de vivre. Après m’avoir bien fait comprendre que mon cas était anormalement grave, elle me passe en revue les différents stades du foie d’un alcoolique. Hépatomégalie, gonflement du foie. Sans grandes conséquences, et réversible. Aucun doute, je suis dedans. Viens la fibrose, dégradation légère du foie. Dégâts irréversibles avec des conséquences plutôt minimes. Puis la cirrhose, le foie est en grande partie incapable de fonctionner, et les toxiques s’accumulent dans le corps et le cerveau, engendrant toutes sortes de complications. Évidemment, c’est toujours irréversible. Enfin, le cancer du foie. Les dernières cellules encore capable de fonctionner deviennent cancéreuses. Le résultat, on peut facilement l’imaginer.

Durant tout son discours je bouillonnais de colère, de tristesse et de peur. Je n’avais qu’une seule envie, de frapper du poing sur la table en lui criant de me dire ou je me situais dans ce schéma morbide. Finalement, je serais d’après son expérience à la limite entre hépatomégalie et fibrose. Sur le point de commencer à subir des dégâts irréversibles donc. Je n’ai jamais totalement cru à son pronostic. Sacrée coïncidence, je me situerais exactement sur cette limite ? Cela me semble un peu gros, mais admettons.

En fin de compte mon état de santé est quelque chose de tout à fait secondaire pour moi. Le mal est fait, il se réparera, ou pas, je ne peux pas y faire grand-chose. Et puis, je me sens plutôt en bonne santé après tout. Ce n’est pas, au final quelque chose qui m’inquiète. C’est même plutôt positif, une motivation supplémentaire pour rester dans la sobriété, en sachant qu’il me faudra des mois et des mois pour que mon foie s’en remette.

C’est passé vraiment vite…

Et me voilà aujourd’hui, à ce jour fatidique, le dernier. Je me suis transformé en huit mois, passant d’un gamin naïf et fier, incapable de se rendre compte qu’il se taillait les veines lentement, à une sous-merde sans aucune estime de soi bien conscient d’être au fond du trou. Une destruction nécessaire à une future reconstruction. Un dernier coup pour la route et je m’engage devant cette montagne qui me sépare du vrai bonheur. Et merde, encore des larmes.


Jour 0 :

Ça y est, je me lance. J’ai ma feuille de route sous les yeux. Deux litres d’eau par jour ? Check. Bananes ? Check. Valium ? Check. Motivation ? Check. Je suis prêt à me lancer à tâtons vers l’inconnu que représente pour moi une vie sobre.

15h. Les symptômes sont présents depuis déjà une bonne heure. Je tremble comme une feuille et la boule brûlante que j’ai dans le ventre grandit de plus en plus. Il est encore très tôt, mais au vu de ma consommation les jours passés, ça n’a rien de surprenant. Je prévois de tenir encore une heure au minimum avant d’essayer le valium. Le manque, cela fait des mois et des mois que je le subis quotidiennement. A intensité moindre peut-être, mais tout de même, je commence à être rodé.

16h. Je commence à avoir du mal à écrire, je tremble des ongles jusqu’aux épaules. Je ressens mes yeux comme s’ils étaient gonflés et fatigués, et mon ventre comme s’il était aux prises avec mes intestins. Je déambule dans mon appartement sans savoir quoi faire de mes dix doigts. Mon état m’obsède et toute activité demandant un tant soit peu de concentration est impensable. Je commence à perdre ma bonne humeur habituelle et sens la colère m’envahir. Une colère contre moi, contre ce que je suis devenu, contre ces symptômes que je me suis infligé et qui commencent à être insupportables. Allez, je tiens encore un peu.

Une heure plus tard, j’ai craqué, mais le valium est sacrément efficace. Plus de tremblement, la boule dans le ventre est toujours là, mais plutôt inhibée. Par contre, je suis cassé… il me faut 5 bonnes secondes pour amener ma clope à ma bouche, et mes paupières deviennent lourdes. On ne s’est pas foutu de moi là-dessus.

20h30. Les effets commencent à disparaître, et les tremblements reviennent, j’en reprends un. Malgré l’inhibition du somnifère je ressens mes symptômes de manque. Étrangement, je suis constamment affamé, un bon signe je suppose, mais les crampes intestinales ne me motivent pas vraiment à manger. Au niveau de la tête, j’oscille entre somnolence et énervement. C’est assez complexe à décrire et désagréable. Mais finalement, l’expérience se révèle être moins difficile que prévue. Je suis à peu près certain de réussir à dormir ce soir, chose qui aurait été impossible sans mon traitement. J’étais réticent à l’idée d’inhiber mes symptômes de sevrages grâce à un produit fortement addictif, mais force est de constater que ça aide bien. Une pensée me traverse : Ça fait combien de temps que je n’ai pas été sobre à cette heure-là ? Cinq mois ? Six mois ? Va falloir que j’y prenne goût maintenant.

22h30. Le valium tape fort, je somnole devant mon journal. Mes pensées sont plutôt confuses. Ma première journée s’est bien passée, mais il va falloir que je revoie à la baisse ma nouvelle consommation du lendemain. En attendant, le craving est toujours là, et pour encore un moment. Ça n’est pas un soucis pour l’instant : je n’en suis qu’au premier jour et j’ai assez de motivation pour lutter contre mon besoin compulsif de consommer. Perdre une habitude que j’ai entretenue pendant ces années sera sans doute le plus difficile à faire. Mais je ne perds pas espoir. Pour le moment ma journée est un succès. Le premier depuis longtemps. Maintenant, j’ai trop sommeil pour continuer à écrire.


Jour 1 :

Je me réveille assez tôt, et surtout crevé. Ma nuit a été bien pire que je ne l’espérais. J’ai vu les heures défiler sur mon réveil, mais j’ai pu dormir un peu et c’est déjà ça. Les symptômes se font beaucoup moins ressentir au matin. J’en profite pour glander le restant de la matinée et sortir faire un shopping plus que nécessaire l’après-midi, sous effets (légers) du valium.

Sur le chemin du retour, je me suis pris d’une envie de m’arrêter à cette supérette que je connais si bien, m’arrêter prendre ma conso de la soirée, comme j’ai l’habitude de faire. Une idée bien vite écartée car je n’en suis qu’au deuxième jour. Mais cela me rappelle douloureusement mes échecs passés.

Par deux fois j’ai essayé de stopper ma consommation. Et j’ai systématiquement repris après deux semaines d’efforts. Sur pas grand-chose, un coup de tête : « Oh et puis merde allez, on s’en fout on ne réfléchit pas : ce soir je me retourne la tête ». Un simple coup de craving, une envie compulsive de boire, que j’aurais laissé passer. Et il en suffit d’un seul pour que tout s’effondre, pour que je retourne à ma condition d’alcoolique. Après un échec plus de retour possible. La gueule de bois le lendemain, l’envie d’oublier la veille, le manque physique qui s’installe aussi vite qu’il était parti, et le cercle vicieux recommence.

Pourtant lutter contre une envie sporadique comme celle-ci, c’est très simple. Il suffit de faire autre chose, de ne plus y penser, et en quelque minutes, elle a disparu. Le seul souci c’est que des envies de ce genre, j’en ressens des dizaines par jour. Et si j’en laisse passer une seule, c’est trop tard. A cette idée je perds confiance et me remémore les mots de ma psychologue : « C’est un combat de tous les jours ». Oui, mais pendant combien de temps ?


Jour 6 :

Déjà bientôt une semaine, le temps passe vite. J’ai miraculeusement réussi à retrouver cette ressource sacrée que j’avais perdue depuis bien longtemps : la motivation. Je sors, je fais du ménage, un peu de sport, et d’autres activités dans lesquelles je ne me serais jamais lancé quelques mois auparavant. Je me réalimente correctement, et ne me réveille plus avec la gueule de bois. On retrouve assez vite des côtés positifs à la sobriété. Mais pas seulement.

Quand arrive la soirée, et plus particulièrement les heures ou j’avais l’habitude de commencer à boire, tout s’inverse. Je déprime, je tourne en rond, et je n’ai qu’une seule pensée en tête : consommer. Dans la journée aussi d’ailleurs, j’y pense très régulièrement. Quand bien même la dépendance physique soit la plus spectaculaire et pénible, notamment lors du sevrage, la dépendance psychologique est de loin la plus difficile à gérer. Elle est là, présente tout le temps dans un coin de ma tête et impossible de la faire disparaitre à coup de valium.

Et au fur et à mesure que j’écris ces mots, je repars 4 ans en arrière.

Septembre 2011. Quelques mois auparavant, j’avais fait la découverte sur le net de tout un tas de substances psychoactives synthétiques légales, nouvelles, et peu chères. Ce qu’on appelle les NPS. Afin de satisfaire ma curiosité dévorante vis-à-vis de ce genre de produits qui m’étaient alors totalement inconnus, j’en commandais un, un genre d’hallucinogène dérivé d’un anesthésiant pour cheval. Les effets étaient très intéressants et amusants, et j’en ai pris quotidiennement pendant près de deux mois. C’est un jour en particulier, où je me suis retrouvé dans ma salle de bain, à contempler dans le miroir mes yeux en pleine mydriase dont on peinait à voir l’iris que l’idée m’a frappé en pleine face comme un mur de béton : j’étais un toxicomane. J’avais à l’époque encore ces idées préconçues du toxico, celui qui se pique dans son appartement cradingue avec un matelas crasseux comme seul mobilier. Celui qui vole tout ce qui lui passe sous la main pour pouvoir se payer sa conso de la soirée. A cette idée, j’ai pris peur. J’ai pris tout ce qu’il me restait de produit, ai tout confié à une amie en lui ayant expliqué le topo au préalable (je consommais seul et en secret), et ai eu la joie de découvrir la dépendance psychologique dans les jours à venir.

J’ai passé sans aucun doute le pire mois de ma vie. Après cet arrêt brutal, je me suis effondré mentalement. La substance que j’avais cessé de consommer était plus présente que jamais dans mon esprit. Je me réveillais en pensant à ma drogue, je me couchais en pensant à ma drogue, et n’avais aucun moment de répit entre temps. Chaque seconde où j’avais la liberté de penser à quelque chose, c’était à ça. Comme si un parasite avait pris le contrôle de mon esprit et décidait à ma place de mes pensées. J’étais emprisonné dans une cage psychologique sans aucun moyen de m’en sortir. A chaque situation de ma vie, je faisais le parallèle avec la drogue :

« Cette soirée aurait été plus sympa si j’en avais pris un peu. »

« Je me demande comment j’aurais perçu cette discussion en étant défoncé »

« Est-ce que la boulangère aurait pu deviner quelque chose si j’avais pris ma dose juste avant ? »

J’ai commencé à rattacher tous mes problèmes à ma dépendance. Des mauvaises notes ? Forcément je n’ai pas l’esprit à bosser. Pas de relation en vue ? Comment je pourrais intéresser une fille si je n’arrive même pas à penser à elle.

Cela a duré environ 6 mois avant que je me libère de cette addiction psychologique. J’ai fini par réaliser qu’elle était partie depuis bien longtemps, mais que je ne faisais que l’utiliser pour donner un sens à mon mal-être. Une fois que je m’en suis rendu compte, j’ai commencé à aller mieux.

Bien sûr, les choses ont changées depuis. Aujourd’hui c’est différent, je suis moins jeune, plus expérimenté, et j’ai du soutien. Toutes les dépendances psychologiques sont différentes. Pourtant, ce parasite qui pense à ma place est toujours un peu là, quelque part, tous les jours.


Jour 17 :

J’essaie de mettre toute les chances de mon côté. Des 3 propositions de mon addictologue pour m’aider, je les ai toute choisies. Un atelier d’écriture bimensuel avec d’autres patients, des séances de psychomotricité, et la participation à des groupes de paroles chez les Narcotiques Anonymes. Pourquoi pas les AA ? Parce que les NA sont plus jeunes, et que finalement, quand j’y pense, je ne suis pas dépendant à une drogue, mais à la drogue en général.

Ma première réunion était la semaine dernière. J’étais loin de m’imaginer ce que j’allais y trouver, qui j’allais y trouver, et surtout l’impact émotionnel que cela aurait sur moi. Les NA sont un groupe d’entraide dont le principe est basé sur les 12 étapes d’un programme spirituel censé amener au rétablissement. Le mot rétablissement ici est important : il ne s’agit pas de guérir, la dépendance est une maladie incurable. Chacun applique ces étapes à sa manière, et partage lors des réunions.

Après quelques lectures de textes généraux décrivant les principes et les fondements des NA, chacun est invité à partager sur un sujet de son choix. J’ai été très surpris par le nombre de mains qui se sont levées à ce moment-là. Du SDF à l’homme d’affaire en costard cravate, de la jeune fille qui dépasse à peine la vingtaine au vieux loup de mer dont les traits sont rongés par des décennies de consommation, chacun partage, raconte, nous donne ses émotions. La tristesse ressentie face à la solitude, la colère face au rejet des autres, mais aussi la joie de vivre des expériences sans consommation, et surtout la gratitude face à tout ce que NA leur a apporté.

Cela faisait beaucoup d’émotions à assimiler d’un coup, et la détente pendant le diner au resto qui a suivi était bienvenue. Je suis quelqu’un de très empathique, et ne peux m’empêcher de penser à ma réaction habituelle face à tant d’émotions : les inhiber, les noyer, les jeter sous le tapis, et ne plus y penser. En bref, consommer.

Et c’est ce qui s’est passé. J’ai rechuté hier soir, à l’issue d’une autre réunion. Les motivations qui m’y ont poussé sont complexes et je ne comprends pas tout. J’ai perdu le fil, je ne sais plus ce qu’était ma dépendance, ce que l’abstinence m’apporte réellement et je ne m’identifie pas aux autres dépendant. Je suis perdu.

J’ai merdé, mais l’échec n’est pas une fatalité, je travaillerais comme on me l’a appris, un jour à la fois. J’ai déconné hier, mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui, je recommence ma nouvelle vie.


Jour 26 :

Dix jours depuis ma première rechute, et depuis 4 autres ont suivies. Une fois que l’interdiction morale de consommer que je m’imposais a été violée, il est devenu beaucoup plus facile de rechuter. Et bien souvent, c’est lié aux réunions NA. Je me rends compte que je ne suis pas capable de gérer mes émotions. Je suis habitué à n’être qu’une coquille de chair dont l’esprit est constamment inhibé par ma drogue. Et c’est pour cela que je suis complètement perdu face à un trop-plein d’émotions et que je cherche refuge vers ce que je connais, ce qui me rassure. Je suis comme l’enfant qui retourne en pleur vers sa maman, sauf que moi, c’est vers la bouteille.

Et pourtant ces réunions qui me font tant de mal, me font aussi tant de bien. Tout le monde est super content que je continue à venir, et me pousse à faire encore plus de réunions. Mais je ne peux pas continuer à me détruire comme je le fait. Je suis déjà allé trop loin. Je ne sais plus quoi faire, j’ai perdu le fil, j’ai perdu la motivation et surtout j’ai peur. Peur de redevenir qui j’étais quelques mois plus tôt. C’est pourtant vers ça que je me dirige.


Jour 54 :

Les jours se sont enchainés depuis la dernière entrée de mon journal, les verres aussi. Je sors d’un bon mois de rechute totale, à raison de 180-200g par jour. Ça démarre par une semaine avec des amis, pendant laquelle je me dis naïvement que je peux consommer sans que cela implique de trop pénibles conséquences, puis vient le retour à la réalité, et l’impossibilité de reprendre mon sevrage.

Arrivent ensuite la pression familiale concernant ma (non)situation professionnelle, la perte de motivation, les symptômes physiques de manque, et l’engrenage repart. Ces journées typiques de gueule de bois jusqu’à 18h, sans énergie pour quoi que ce soit, sinon pour sortir acheter mon carburant de la soirée me rattrapent. Je mange deux tranches de pain de mie par jour, me force à me réveiller tôt le matin pour annuler mes rendez-vous de 11h, je décline des invitations à sortir, m’enferme chez moi et me lamente sur mon sort et mon incapacité à m’en sortir.

Lorsque toutes les conditions idéales sont réunies, sortir d’une dépendance demande beaucoup de temps et d’efforts. Mais s’il y a stress, pression, anxiété, ça devient pratiquement impossible. Sur les conseils avisés d’un proche, j’en profite donc pour prendre mon courage à deux mains et mettre ma famille au courant de ma situation, dans l’espoir de pouvoir respirer un peu. Je perds un poids pour gagner un soutien, et vois mon futur s’éclaircir.

Il y a une semaine que j’ai décidé de reprendre mon sevrage, et j’en suis à mon deuxième jour. Le weekend dernier passé aux Utopiales a été très fatigant, et le manque et la dépendance pénible à gérer au quotidien. Mais il m’a surtout donné beaucoup d’envie, et de motivation. Car le bonheur que j’y ai trouvé est quelque chose qui m’a beaucoup manqué ces dernières années, et je ne souhaite plus le perdre.

Je terminerais le début de ce journal sur le début d’un nouveau sevrage, en gardant en tête tout ce qui m’a poussé jusqu’ici : mes douleurs, mes peurs, mes angoisses, ma colère, mais aussi mon envie de retrouver la joie, la motivation, mon envie de vivre tout simplement. Cela fait des mois que cette aventure a commencée, et elle est loin d’être terminée. Je vais peut-être rechuter, peut-être plusieurs fois, mais je saurais me relever. J’ai confiance. Je garde les yeux sur mon avenir, en me rappelant que si j’en suis là aujourd’hui, c’est grâce à toute l’aide et le soutien que j’ai eu : de médecins, de dépendants, mais surtout de ma famille, et de mes amis.

C’est grâce à eux que je peux enfin voir un bout de lumière au fond du tunnel et je ne pourrais jamais leur témoigner assez de gratitude. Merci, les amis.

Jour 122 :

C’est le réveillon du nouvel an ce soir, et j’ai 59 jours d’abstinence derrière moi. Il y a environ un mois, je suis allé chercher mon porte-clés en récompense pour mes 30 premiers jours, un cadeau des Narcotiques Anonymes en guise d’encouragement. Si tout se passe bien, j’en aurais mérité un autre pour les 60, demain. J’angoisse un peu, mais j’attaque ma soirée avec l’envie ferme de pouvoir aller le chercher l’année prochaine.

Quand j’y pense, les gens qui sont là sont des amis de longue date, en tout cas pour certains d’entre eux. Ils étaient là avec moi dans nos premières consommations, les consommations classiques de lycéens voulant faire la fête. Seulement, eux n’en sont pas arrivés au même point que moi après ces quelques dix années. L’idée qu’ils aient droit de s’amuser sans restriction alors que je ne puisse pas le faire me paraît terriblement injuste. Je ne suis pas vraiment fier de cette pensée, ils n’y sont pour rien. Et moi, ais-je mérité ma maladie ?

Je me demande à quel moment j’ai cessé de consommer comme eux pour consommer comme un dépendant. Un problème vertigineux et impossible à résoudre. Lorsque j’ai su que j’étais dépendant, je savais également que cela faisait longtemps que je l’étais. Plusieurs mois, plusieurs années peut-être. Je me souviens que déjà 5 ans auparavant ma consommation pouvait être problématique, parfois. Des signes avant-coureurs ? Non, ce n’est pas parce qu’on fait un black-out que l’on finit dans l’addiction. Alors quoi ? Je ne sais pas, c’est une réflexion pour un autre jour, là j’ai un autre souci sur les bras.

Mon réveillon est naze. Vraiment. Pas à cause des gens ou de l’ambiance mais de ce que j’ai dans la tête. Je ne vois pas mes amis, je suis focalisé sur les bouteilles. Elles sont là, m’observent, me tentent, me rappellent mon interdiction. Le frigo est une caverne d’Ali-Baba qui m’appelle de tout son cœur. Je suis un prisonnier affamé que l’on torture en lui présentant plein de plats tous plus succulents les uns que les autres sans que jamais il ne puisse en atteindre un seul. Est-ce que l’on peut tenir tout une soirée en obsédant sur sa drogue sans jamais y toucher ? Je ne veux pas y croire.

Après tout, c’est mon premier de l’an, j’ai le droit d’en profiter. Je ne vais pas passer toute ma soirée dans un coin à lutter contre moi-même un jour de fête ! Mais non, je dois juste me changer les idées, me focaliser sur autre chose, ça va passer, je dois tenir encore un peu, et me concentrer sur la soirée.

« Ah ben la Jenlain c’est la vie !
– C’est la gerbe, oui ! Même la Kro ça passe mieux.»

C’est compliqué. Même si je sais qu’en réalité je pourrais me concentrer sur autre chose que mon addiction, je la vois partout où je regarde. Je décide d’aller prendre l’air et une cigarette en même temps. Cette dépendance-là ne me détruit pas encore la vie.

Plus tard, je commence à rentrer dans un jeu de ping-pong mental épuisant : je jongle entre l’idée de continuer mon sevrage et celle de profiter de la soirée. Ma maladie commence à prendre le dessus lorsque je me mets à m’inventer des bonnes mauvaises raisons toutes plus valables les unes que les autres pour consommer. Après tout, c’est un jour bien particulier, non ? Je ne pourrais pas tout simplement faire une petite parenthèse, sans conséquences ?

Quelques temps plus tard, arrive la dernière goutte d’eau qui fait s’effondrer le vase :

« On fait un jeu à boire, tu viens jouer Guib’ ? Tu peux jouer avec du coca, on s’en fout !»

Faire un jeu à boire avec du coca ? Oui bien sûr, on peut aussi faire une partouze chacun dans une pièce différente, si vous voulez. Mais je ne veux pas m’auto-exclure de la soirée. Le porte-clés est bien loin dans ma tête, en tout cas bien plus que la bière qui est à présent dans ma main. La satisfaction de sa propre dépendance n’a décidément rien à envier au plus magnifique orgasme. Après plusieurs heures de torture mentale, je peux enfin me détendre.

Quelques heures plus tard, je ne tiens plus debout et suis triste à cause de ma rechute. On me réconforte en me disant que ce n’est pas grave, que c’est juste une fois, que je reprendrai mon sevrage le lendemain et puis voilà. J’ai l’impression d’entendre des conseils de personnes qui ne savent pas de quoi ils parlent. Mais pourquoi pas après tout ? Finalement, une cuite tous les ans, si j’en reste à cela, c’est déjà incroyable.

Les habitudes ont la vie dure et je vais me coucher dans les derniers en finissant de m’achever alors que le reste de mes amis est passé à l’eau pour diminuer le mal de tête du lendemain.

Les jours suivant m’ont vraiment mis en confiance. Malgré une gueule de bois un peu trop durable, j’étais ravi : aucune envie de consommation, je retrouvais mon sevrage comme je l’avais laissé, y compris une fois de retour seul dans mon appartement. Je suis toujours capable de vivre sobre, cet échec n’en était finalement pas un : j’y ai gagné une bonne soirée, et n’ai rien perdu en retour. Enfin, les barreaux de la prison finissaient par céder, car je me rendais compte que je pouvais me soigner et toujours profiter de ma vie comme avant.

J’ai fini par totalement oublier ce fameux porte-clés.

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Rêve éveillé

Une petite étincelle s’éveille dans mes entrailles. Jaune, brillante, elle crépite d’envie et d’excitation. Elle, c’est ma curiosité, maladive et avide de sensation forte. C’est celle qui veut découvrir, ressentir, expérimenter bref, vivre. Et vivre avec une intensité démesurée ! Elle n’a pas vraiment de considération pour moi ou pour ma santé. Ni pour mes proches d’ailleurs. Mais elle n’est pas malveillante pour autant ! C’est juste une enfant naïve, pure, inconsciente voire irresponsable, mais jamais mauvaise. Quelque part, c’est ma force vitale, celle qui m’anime et me fait me lever le matin. Simplement, c’est à moi de prendre soin d’elle, de l’entendre, la comprendre, la raisonner parfois. Mais son objectif coïncide parfaitement avec le mien. Alors étincelle, suis-moi, un étrange et intense voyage nous attends…

Les phosphènes dans mes yeux se font plus intenses. Des cercles concentriques qui se referment au centre de ma non-vision. Je me concentre dessus, et soudain, tout apparait.

Je suis dans un couloir fade et sans grand intérêt. Devant moi, se dresse une porte en bois ouvragé, surmontée d’une poignée en métal dorée qui jure avec le terne des murs. J’ouvre la porte, traverse son encadrure, et me voila dans le vide de l’espace. Je vois des étoiles au loin, quelques nuages spatiaux d’un rouge vif. Est-ce que je peux bouger ? Oui, je vole,en haut, en bas, comme bon me chante. En me déplaçant, je note que les étoiles et les nuages semblent particulièrement étrange, comme si je n’étais pas dans le vide de l’espace,mais à l’intérieur d’une bulle dont les parois seraient peintes pour en faire comme une illusion. Je cherche du regard un point particulier dans cet environnement étonnamment familier, et je repère une étoile plus brillante que les autres au loin. Je m’en approche, et alors que ma vision s’éloigne de mon corps et prend de la hauteur, je confirme que je suis bien dans une grande bulle. De l’autre côté de la paroi, derrière l’étoile, est présent un genre de bâtiment blanc. j’arrive à apercevoir vaguement le plan de ce bâtiment, comme s’il n’avait pas de plafond.

Je me reconcentre sur mon corps, et sur cette petite étoile. Je lui offre humblement mon vœu le plus cher, et celle-ci grossit pour s’ouvrir comme un portail, que je traverse pour arriver dans le couloir blanc immaculé du bâtiment que j’ai pu voir plus tôt.

Une fois dans ce nouveau lieu, je regarde de chaque côté pour y choisir ma prochaine destination. A gauche, le couloir blanc tourne pour arriver vers ce qu’il ma semblé plus tôt être une salle d’hôpital. Le blanc et la propreté de ces locaux sont beaucoup plus rassurant que ce que je peux apercevoir à droite : le couloir s’assombrit, se ternit, et semble se transformer en couloir froid et laid. Les murs et le sol passent d’un blanc impeccable et sans aspérité à des pierres brutes irrégulières, couvertes ça et là de mousse. L’obscurité s’y fait grandissante. Je me sens bien plus à l’aise à l’idée d’aller à gauche, mais je sais que je dois aller à droite. Plus question de se voiler la face. J’avance donc vers le côté obscur du couloir, et son aspect cryptique devient de plus en plus inquiétant.

Au bout du couloir, un escalier en colimaçon descend dans une obscurité encore plus angoissante. Sur la gauche, une rambarde de métal complètement rouillé suit la pente irrégulière des marches sales et humide.

Une fois en bas de l’escalier, je me retrouve face à une salle particulièrement effrayante. Le peu de lumière que je perçoit vient de l’escalier que je viens de descendre. Mon étincelle est toujours avec moi, mais ne parvient pas à éclairer la salle qui, elle, est tellement sombre qu’elle semble être remplie d’un liquide noir du sol au plafond. Pas question d’avancer la dedans. Je m’improvise Moïse et fend l’ombre de la salle en deux d’un coup de main, et la lumière dresse un passage jusqu’à l’autre extrémité de la salle. De chaque côté de ce couloir improvisé, je sens les ombres bouger, et se déplacer. En m’avançant un peu j’arrive à percevoir leur yeux rouges me regarder. Plusieurs d’entre elles m’attaquent, essaient de m’agripper, de me griffer, je sens leur haine et leur colère, et je m’immobilise au milieu de la salle, comme pétrifié de peur. Dans un élan d’apaisement, je brave mon inquiétude pour venir apposer mes mains sur le mur d’ombre à ma droite, puis à ma gauche. A chaque fois, je leur offre mon vœu le plus cher, et la plupart d’entre-elles se calment. Seules trois d’entre-elles continuent de m’attaquer. Je vais en voir une, et lui demande ce que je peux faire pour elle, ce qu’elle veut.

“Te tuer ! Te faire souffrir !”

Je comprends qu’elles ne sont pas douées de raison. Ces ombres sont une manifestation sans conscience de mes pulsions de mort. Je leur promet que je ferais mon possible pour les aider, et elles se calment et partent se renfermer dans un coin de la pièce. Dans leur regard rouge sang, l’espoir a remplacé la haine. Je calme mon inquiétude, et continue mon chemin. Après cette salle, un couloir tourne vers la gauche, et s’enfonce au loin dans le noir. Sur la droite, je vois trois autres couloirs. Sans vraiment savoir pourquoi, je comprends la configuration du lieu. Je dois emprunter chaque couloir de droite, l’un après l’autre, pour une certaine épreuve avant de finalement continuer dans le noir du couloir principal, comme un rite initiatique issu de mon inconscient.

J’avance et m’engage donc dans le premier couloir. Dans celui-ci, une vieille porte en bois sur la droite, puis un peu plus loin le couloir tourne juste derrière la pièce. J’ouvre la porte ne sachant pas vraiment à quoi m’attendre. Je me retrouve dans une cellule crasseuse dans laquelle ne se trouve qu’un sommier à moitié pourris sans matelas. Dans un coin, un cadavre est recroquevillé en position fœtale. C’est un homme relativement âgé, dont les quelques cheveux longs ne cachent pas la calvitie avancée. Son corps est complètement nécrosé, dans des teintes de vert et de noir, et son torse est à moitié rongé par les vers, si bien qu’on aperçoit distinctement ses côtes. Je comprends qu’il ne s’agit pas d’un cadavre lorsqu’il se lève et s’approche vers moi. Je suis relativement inquiet, mais parviens quand même à lui demander ce que je peux faire pour lui.

“Manger ! Te manger toi !”

Bien décidé à corriger le malsain de mon inconscient, je décide de lui donner mon bras gauche. Il le dévore avidement, en croquant jusqu’à l’os. Il me regarde d’un air affamé, et je lui donne finalement le reste de mon bras, sans trop savoir si c’est une bonne idée. Il l’avale d’une traite et, fort heureux de cette mise en bouche, se jette sur moi pour me dévorer. Entièrement.

Je me réveille à nouveau hors de cet univers onirique. J’aperçois au loin la bulle-espace, et le bâtiment blanc qui y est accolé. Je repars de l’étoile que j’avais repéré, et retourne ou j’en étais. Les escaliers lugubres, la salle pleine d’ombres, qui ont l’air particulièrement excitée, mais qui ne me frôlent même pas et me laisse passer dans le chemin éclairé que j’avais ouvert plus tôt. Je continue, tourne dans le premier couloir. La porte de la cellule est fermée. Je continue un peu plus loin, et le premier couloir tourne puis s’arrête brutalement sur un cul de sac. Devant le mur qui me fait face, un lavabo blanc immaculé, qui jure avec la crasse humide des locaux. Un verre est posé sur son côté. Sans trop savoir pourquoi ce geste me parait évident, je remplit le verre d’eau, et je fais demi-tour. Je rouvre la porte de la cellule, dans laquelle le vieil homme-zombie se trouve à présent assit sur le lit. Je lui donne le verre d’eau, qu’il boit avidement, et il s’allonge, visiblement beaucoup plus serein qu’auparavant. Je reste quelques secondes observer la peau de son dos, qui reprend par endroit une couleur chair, comme si son repas l’avait régénéré. Finalement je le laisse dormir, et reviens sur mes pas pour passer dans le deuxième couloir.

Deux salles sur la gauche. Dans la première, du mobilier en bois moisis, et un grand miroir sur le mur de gauche. Lorsque je regarde dedans, je vois mon reflet, et juste derrière un mur noir d’ombres similaire à la première salle de cet étage. Je n’ai pas vu ces ombres en arrivant, et je me retourne en sursaut face au mur noir. Sa surface ondule calmement, comme la surface d’un liquide huileux qui tiendrait miraculeusement  à la verticale.

“Y a-t-il une ressource ici pour m’aider ?”

A mon appel, un petit diablotin grassouillet sort du haut du mur et retombe sur le sol de la salle. Dès le premier regard il ne m’inspire pas confiance.

“Je suis une ressource moi ! Je peux t’aider, suis moi !”

Je le suis, méfiant. Il a un air narquois, un visage sur lequel on ne peut pas ne pas voir sa malignité. Il n’emmène dans la deuxième salle du couloir, complètement vide à l’exception d’un trou carré dans le sol.

“Tu dois descendre ici !”

Je jette un regard dans le trou. Une échelle descend dans les profondeurs, mais je ne distingue rien du bas de l’échelle. Circonspect, je fais appel à mon intuition pour m’aider. Elle se matérialise sous la forme d’une petite sphère lumineuse surmontée de deux paires d’ailes de libellules. Elle confirme mes doutes sur le bienfondé des conseils du diablotin en n’emmenant en dehors de cette salle. Je la suis jusqu’au troisième couloir.

Dans celui-ci, trois salles, sur la gauche. Les portes en bois sont surmontée d’une petite lucarne à barreaux, de telle sorte que je peux voir l’intérieur des salles sans avoir à ouvrir les portes. Dans la première, une salle avec quelques jouets d’enfants : un ballon, un cheval à bascule, un tapis de jeu sur lequel repose quelques babioles diverses. Dans la deuxième, je ne vois rien : elle est remplie de ces mêmes ombres que j’ai déjà vu plusieurs fois. La troisième enfin, est une copie conforme de la salle que j’ai vu plus tôt avec le trou en son centre. Mon intuition me pousse à ouvrir la deuxième porte

J’ouvre la porte, et tranche les ombres comme je l’ai fait plus tôt. Aucune agressivités chez celles-ci cette fois. J’aperçois au fond de la cellule un autre lavabo immaculé. Je m’interroge sur ces symboles qui se répètent dans mon périple, et m’approche du lavabo. Mon intuition plonge par l’évacuation d’eau. Je me sers un verre d’eau, le bois et je m’apprête à la suivre. Au moment de reposer le verre, je vois une petite pièce en or dedans. Un visage sur le côté face, mais rien de particulier. Je la met dans ma poche, et plonge dans le lavabo.

Le décors change brusquement.

Je suis assis sur un banc, à l’air libre, dans un parc dans lequel de nombreux enfants jouent. Je ne vois aucun adulte aux environs, par contre je me vois moi, très jeune, courir et me passer devant. Il me remarque et s’arrête, intrigué. Il a l’air si jeune que je me dit qu’il ne peut sans doute pas parler.

“Si je peux parler !”

Et aussi lire dans les pensées j’ai l’impression ! Je m’accroupis pour être au niveau du petit Choupinne, et lui demande si je peux faire quelque chose pour lui. Il semble vouloir me montrer quelque chose, me prends par la main, et m’emmène en dehors du parc.

Il court sur quelques dizaines de mètres, rentre dans une boutiques, et m’emmène dans l’arrière salle, dans laquelle des étagères sont remplies de breloques et bibelot en tout genre. Il s’agit sans aucun doute d’une boutique d’antiquité. Je ne peux m’empêcher de penser à la boutique dans laquelle Billy récupère Gizmo le Mogwaï. Mini-Choupinne me demande de m’asseoir par terre, et de fermer les yeux. Je m’exécute tout en riant intérieurement du fait que je suis malgré tout parfaitement capable de le voir, car je perçois la scène de haut. Il enfile un masque de monstre, me demande d’ouvrir les yeux et se jette sur mois pour me faire peur. Son effet tombe complètement à l’eau, mais il rit de bon cœur. Je lui demande s’il veut me dire quelque chose avant que je m’en aille.

“Tu as fais des grosses bêtises” me dit-il avec un air désolé.

“Oui c’est vrai, mais j’ai aussi fait des choses super ! Et puis, les grosses bêtises, c’est aussi comme ça qu’on apprends, des fois, c’est important d’en faire !”

Je me sens tellement désolé pour les choses qu’il aura à vivre plus tard que les larmes me viennent. Je lui donne la pièce que j’ai retrouvé plus tôt, et son visage s’illumine de bonheur. Il court la montrer à sa mère, et je reste là, fatigué, son masque dans les mains. Ce voyage commence à devenir vraiment éprouvant… Je décide de m’en aller.

Chamboulement. Tout mon univers implose, se déforme, disparait, réapparait, change de couleurs, de formes, dans un méli-mélo cacophonique et incompréhensible. Je reste quelques secondes contempler ce chaos, puis, tout revient dans l’ordre.

Je suis le vieillard de la cellule. C’était moi qui était aussi affamé et décomposé. Mon étincelle est toujours là. Un peu perdu par ce que cette nouvelle situation veut dire, je demande quelques derniers conseils à mon étincelles avant de pouvoir enfin me réveiller. Elle me dit que je dois être bienveillant avec moi, et ne pas oublier de me nourrir. Me nourrir d’évènements, de rencontres, de passions éphémères, et d’autres choses qui me feront sortir de mon cercle de confort. C’est comme ça que je pourrais concilier mes attentes avec les siennes.

J’ouvre les yeux, humide des émotions qui m’ont étreintes dans cette expérience hors du commun. Je suis complètement abasourdi par l’émotion, et je sens les premières questions qui pointent le bout de leur nez. Mais pour l’instant j’ai surtout envie de dormir.


Ce texte est le récit romancé de la première séance d’hypnothérapie ericksonienne que j’ai faite. A ce titre, les images d’illustrations ne donnent qu’une variante de ce que j’ai vu réellement et sont surtout là pour éclaircir un peu le récit. L’écriture est monotone et pas spécialement agréable à lire et je m’en excuse. C’est que ce n’est pas à lire avec les yeux mais avec l’imagination, car c’est comme cela que ça a été écrit à l’origine ! Je ferais peut-être d’autres récits de ce genre si ça plait 🙂

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Les croisades de l’idéologie zététique

Introduction

J’aimerais bien parler un peu de zététique. C’est un concept vachement à la mode dans les réseaux sociaux ces derniers temps et qui comme à peu près toute les manières de penser et voir les choses amène son lot de dérives plus ou moins dangereuses et nauséabondes.

Vous l’aurez assez vite compris, je ne serais pas la pour faire l’apologie de la zététique, d’autres s’en chargent bien mieux que moi. Mais avant toute chose, introduisons un peu le sujet : la zététique, c’est quoi ?

“La zététique est présentée comme « l’étude rationnelle des phénomènes présentés comme paranormaux, des pseudosciences et des thérapies étranges ». ” Bon ça c’est Wikipédia, et c’est pas forcément génial comme définition puisque c’est un concept qui va un peu au delà des trucs paranormaux et compagnie, mais c’est déjà pas mal. Le terme important ici c’est “rationnelle”. Concrètement, il s’agit d’appliquer la méthode scientifique pour analyser des phénomènes, choses, thérapies et autres dessins étranges dans les champs.

C’est un domaine qui me fascine parce qu’il permet de mettre en avant de très nombreux biais cognitifs auxquels nous sommes tous sujets, et qui poussent untel à croire à l’existence des extra-terrestres, untel à être certain que les pyramides de Gizeh ne sont pas de la main de l’homme (je vous conseille à ce sujet l’excellent, ou minable c’est selon documentaire “La révélation des pyramides” disponibles sur Youtube. A regarder comme un divertissement, et avec un esprit critique au taquet, parce qu’il y a du lourd !).

C’est aussi un domaine que je n’explorerais pas, parce que d’autres le font de manière bien plus pertinente et divertissante que je ne pourrais le faire. Je pense notamment aux chaines Hygiène Mentale, La Tronche en Biais, horizon-gull. J’ai en particulier beaucoup aimé les TeB sur les différents biais cognitifs.

Bref, en résumé, la zététique c’est l’esprit critique, le scepticisme, la méthode scientifique appliquée au paranormal, crop circles, homéopathie, OVNIs et compagnie.

Cette introduction étant faite, je peux passer aux choses qui m’intéressent un peu plus.

Le missionnariat zététicien

J’ai noté depuis quelques temps certains commentaires, articles, interview et autres opinions assez dérangeantes de la part de certains se revendiquant “zététiciens” vis à vis de croyances. Ça peut être particulièrement virulent, comme certains commentaires concernant notamment la religion, ou moins, comme cet article d’Acermendax (l’un des auteurs de la Tronche en Biais) qui bien que ne ciblant qu’un personnage “théorique” (certains diraient un homme de paille 😉 ), se veut assez cru sur le jugement qui lui est apporté.

Un autre exemple qui m’a beaucoup plu à regarder est celui ci.

Notez qu’il y a d’autres vidéos qui font suite à celle-ci avec Tyler également, cf la description de la vidéo. Pour les anglophobes, il y a des sous-titres en français à activer.

Le concept en soi ne me dérange pas tant que ça, l’interviewer est particulièrement respectueux et délicat avec les croyances de la personne qu’il a en face d’elle, mais tout de même, quelque chose me chiffonnait… Pourquoi donc essaie-t-il de lui faire changer d’avis ? De lui faire ouvrir les yeux ? Et ce même aussi subtilement que possible pour qu’elle fasse l’effort elle-même. En fait, quelque part je ressentais en regardant cette vidéo un certain besoin de convertir son interlocutrice, et ça m’interrogeait.

Hop, hop, hop, attendez une minute… “Convertir” ?? Convertir c’est du champ lexical de la religion, précisément ce que la zététique n’est pas ! Il n’est pas question de convertir qui que ce soit quand on parle de zététique, mais plutôt de “déconvertir”, non ? Comme si une croyance, une religion, était un absolu arbitraire duquel il fallait s’extraire. Et s’extraire pour aller ou ? Vers la zététique ? L’esprit critique ? La méthode scientifique ? Bien sur que oui, la méthode scientifique c’est le moyen le plus sur, que dis-je, le seul moyen que nous avons à notre disposition pour explorer l’univers et le comprendre de manière absolument certaine (lorsque que c’est fait correctement, et là, on est sur un autre débat).

Au final, quelle croyance plus absolue que la croyance dans la méthode scientifique elle même ? La ou un religieux pourrait en venir à douter de son Dieu ou de sa Foi, comment un scientifique ou un zététicien pourrait douter du bien fondé de la méthode scientifique pour comprendre le monde, puisque cette méthode est par définition la meilleure pour le comprendre, puisque définie comme telle ?

Et c’est dans cette notion d’absolu justement que réapparait le champ lexical de la religion. La méthode scientifique est incritiquable (précisément parce que toute connaissance est systématiquement remise en question). La méthode scientifique est indiscutable (parce qu’elle est le socle sur lequel toute nos connaissances sont fondées, et notamment les connaissances qui possèdent le plus haut degré de certitude, à savoir le consensus scientifique). Elle est l’alpha et l’oméga de la connaissance, et rien ne peut lui être supérieur dans la création de la connaissance, sans se voir qualifier de “nouvelle méthode scientifique”.

Mais revenons-en à la vidéo sur Tyler. Le point qui me dérange le plus, est en fin de compte un point qui m’aurait autant dérangé s’il n’était question de zététique, mais des témoins de Jehovah par exemple. Pourquoi chercher à faire dévier les croyances de quelqu’un pour la faire revenir vers ce que le zététicien croit lui ? Est-ce un moyen de se rassurer dans la foi qu’il entretient dans le doute méthodique ? Je ne sais pas vraiment, et ça fera peut-être l’objet d’un autre billet. Mais c’est une tendance que j’ai un peu trop remarqué. Cracher sur les religions, se moquer de celui qui prends de l’homéopathie, tourner en dérision telle personne passionnée d’astrologie, ce sont des choses qu’on remarque beaucoup sur les réseaux sociaux. Alors bien sur, dire à l’autre ce qu’il doit croire, c’est pas chouette, mais mon billet n’est pas à ce propos, non moi ce qui m’intéresse de dire, c’est que non seulement ce n’est pas chouette, mais en plus ce n’est pas nécessairement légitime.

Quand je parle de légitimité, ce que je veux dire par la c’est que le côté absolu et incritiquable de la méthode scientifique lui donne une certaine légitimité pour être imposée dans les consciences. Sauf que… Sauf que peut-être que finalement on peut apporter un peu d’eau dans tout ce moulin (pas nette cette métaphore ^^’).

L’imparfaite perfection

La méthode scientifique se définit wikipédiasquement comme cela : “La méthode scientifique désigne l’ensemble des canons guidant ou devant guider le processus de production des connaissances scientifiques”. C’est là que c’est intéressant, c’est qu’il s’agit d’un processus, utilisant notamment les observations des choses d’une part, et un raisonnement logique d’autre part. Il n’est pas compliqué de critiquer la validité d’une observation (d’ailleurs, la méthode scientifique remet toujours en question ce que l’on observe). Rien de ce que l’on peut percevoir n’est incriticable. Mais qu’en est-il de la logique ? Pour le moment, je partirais du principe que la logique correctement construite est forcément valable, et parfaite. Dans la théorie, un plus un, cela fait deux, exactement deux, toujours deux, et on ne peut pas contredire ça. Ça me démange bien trop de le contredire, mais pour l’instant encore, je vais le rajouter à ma liste de billets à écrire 😎 ).

En bref, on a d’un côté des observations imparfaite, et de l’autre un raisonnement parfait, et tout ça, ça créé la méthode scientifique. Ok, mais est-ce qu’on est vraiment obligé de se coltiner les imperfections des observations ? N’y a t’il pas au moins certains choses, indépendantes de la logique elle même (qui finalement ne renseigne pas sur l’Univers mais plutôt sur la manière dont l’analyser) à partir desquelles on soit sûre ? Si la méthode scientifique utilise le raisonnement déductif, a t’on quelque part, même bien planqué des prémisses, de quelques nature que ce soit qui sont vraies, absolument vraies et dont on soit sure de la véracité ?

“Le soleil se lève tous les jours ! ”
–> Non pas nécessairement, peut-être vis-t-on dans un Truman Show ?

“J’ai deux mains, deux yeux, un visage !”
–> La encore, pas nécessairement. Les perceptions sensorielles qui te font dire ça ne sont que des influx nerveux que l’ont pourrait tout à fait envoyer à ton cerveau, seul, dans une grosse jarre de formol dégueu.

“Oui mais mon cerveau lui, existe ! Je pense, donc je suis ! Ça on en est sur, c’est Descartes, merde !”
–> Vraiment ? Je n’ai rien contre le raisonnement en soi, mais la prémisse, “je pense”, tu es sûr de ça ? Les connaissances actuelles sur la nature de la conscience sont encore trop floues pour trancher, mais peut-être que les pensées ne sont qu’un signal comme un autre, dans lequel est inclut la conscience elle-même, et que l’on pourrait simuler. Pour prendre un exemple plus parlant, si l’hologramme de Mélenchon nous dit qu’il existe parce qu’il pense, on serait bien tenté de lui répondre que non, désolé, mais il n’est pas vivant, et sa conscience n’est rien, il n’est tout au plus que le reflet d’un autre, qui lui existe vraiment. C’est un exercice de pensée un peu compliqué , mais en résumé, est-ce que l’on est vraiment certain que nos pensées sont les nôtres voire que nos pensées “sont” tout court ?

En fin de compte, ce que je voulais dire par là, c’est qu’il n’existe pas de “socle” de connaissances certaines à partir duquel le raisonnement et les observations peuvent nous permettre de construire de la connaissance sûre. Donc la méthode scientifique oui, elle est parfaite, mais sans le point de départ original on ne peut qu’avancer à tâtons dans le labyrinthe du savoir.

La connaissance certaine n’existe pas, et de ce fait l’absolue perfection de la méthode scientifique s’en trouve ébranlée. Partant de là, la légitimité du zététicien qui veut convertir ou déconvertir son prochain également. Alors on parlera de doute méthodique, de probabilité, de rasoir d’Ockham, de pansements pour combler cette douloureuse faille, mais j’en fais fi car tout le raisonnement précédent pourrait s’y appliquer de la même manière. Si la méthode scientifique et la connaissance qui en découle ne sont pas parfaites, quelle légitimité pour le zététicien de vouloir ramener l’autre dans son camp s’il ne peut pas lui même être certain de son bien fondé ? Et l’ironie, c’est que cette incertitude, c’est celle de la méthode scientifique elle-même.

– Guibole.

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La philosophie de l’altruisme – Introduction

Salut les loulous !

Voici un premier article dont l’objectif est d’introduire ce que j’espère être une longue série de plein d’articles qui parleront plus ou moins du même sujet. Là on va parler philo. Je précise que je suis un grand novice sur le sujet, et que de fait, je vais certainement dire des conneries. J’invite tout le monde à me corriger si cela arrive. Mais ma novicitude aura au moins le mérite de me pousser à penser par moi-même plutôt que de faire un agglomérat à ma sauce des pensées que je découvrirais par ailleurs.
Ces articles arriveront au fil de l’eau, et ne seront pas nécessairement tous cohérents entre eux, compte tenu du fait que ma réflexion est en changement. Peut-être que je me planterais, que je partirais dans de mauvaises directions, que je devrais revenir en arrière, etc…

Mais peut-être que dans 10 ans le tout soit suffisamment cohérent pour en faire un bouquin et que je serais le nouveau BHL 😎

Notez également que j’ai (et aurais) une tendance a poster rapidement les articles que j’écris. Si je les garde dans mon coin jusqu’à ce qu’ils aient une qualité suffisante, je pense que je perdrais rapidement la motivation de continuer à écrire… Donc ils seront postés peu de temps après le début de leur rédaction, et en ce sens, peut-être que tout ne sera pas très bien écrit, ou très clair. La encore, n’hésitez pas a m’emmerder si jamais c’est le cas 😛


Ces derniers temps je me suis intéressé, plus ou moins malgré moi (curiosité insatiable, tout ça, tout ça…) à la philosophie. Notamment, j’ai jeté un premier coup d’œil au stoïcisme, à l’épicurisme et à la pensée Nietzschéenne. Il s’agit certes d’un tout premier coup d’œil loin d’être suffisant pour apprécier ces philosophies dans leur ensemble, mais tout de même, une première chose m’a frappé, c’est que bien souvent (systématiquement ?) les différentes philosophies que je croise définissent toujours les choses d’une manière commune : il y a le Moi d’un côté (voire même le Soi pour Nietzsche) et le reste/univers/Tout de l’autre.

Dans le stoïcisme, le principe de base est que je suis capable d’agir sur certaines choses, et incapable d’agir sur les autres. L’idée est donc de ne s’investir émotionnellement qu’en celles sur lesquelles je peux agir (avoir peur de quelque chose d’inéluctable comme la mort  ne fait donc pas sens). C’est très grossièrement résumé, mais derrière ce principe on dénote tout de même : Moi d’un côté, les choses de l’autre.

Pour l’épicurisme, la part du Moi est encore plus grande. Cette philosophie de la recherche du bonheur place au centre de tout la satisfaction de mes besoins primaires, et l’évitement des sources de plaisir qui me sont secondaires.

Je m’abstiendrais de parler de la pensée Nietzschéenne, étant encore en train de lire Zarathoustra, mais j’ai fort l’impression que les choses dans son esprit sont agencées un peu comme pour l’épicurisme, avec une dose de mégalomanie en plus contingente à son concept de Surhomme.

En bref, on a un peut toujours la même vision dichotomique du Moi d’un côté, et du Reste (appelons comme ça tout ce qui n’est pas Moi) de l’autre. Et c’est une vision tout à fait logique et qui se comprends parfaitement : à tout point de vue le moi est unique, complètement différent du reste. Reste qui en réalité est profondément indéfini. Tout ce que l’on peut connaitre du Reste, c’est ce que le Moi en perçoit. Le Moi est donc un point central des choses, puisque tout, soit est lui, soit passe par lui. Le concept du Moi ne me dérange pas du tout.

La ou cela me dérange, c’est que le Reste, est vu uniformément comme une soupe de plein de machins indéfinis qu’on branle dans le même panier sans trop réfléchir à ce que c’est. Je comprends que cette manière de voir les choses est la plus “logique”, car après tout, peut-être suis-je simplement une conscience branchée à un ordinateur et tout ce que je peux percevoir n’est en réalité qu’un ensemble d’influx nerveux et c’est tout. Et donc une somme de choses uniformes. Mais si on commence à prendre en compte ce genre de possibilités, j’ai bien peur que la réflexion s’arrête bien vite. Alors imaginons que le Reste soit ce que l’on affirme d’ordinaire : un univers entier, remplit de planètes, d’arbres, d’animaux, de contrats, d’automobiles, de lundi matins, de pizzas à l’ananas, et notamment d’autres “Moi”.

C’est de cela dont je veux parler. Si une philosophie s’attache à placer le Moi à part du reste, ce que encore une fois j’accepte tout à fait, alors il faut également qu’elle place tout les autres Moi à l’écart. Qu’elle pense le Moi comme un parmi d’autre, et pas en tant que point de repère à partir duquel tout se construit.

On parle du stoïcisme comme d’une philosophie de l’humilité, parce que c’est une philosophie qui énonce clairement que l’homme est limité, et qu’il ne doit pas vainement essayer de changer des choses sur lesquelles il n’a pas de pouvoir. Et pourtant, c’est aussi une philosophie qui n’accepte pas la peur de la mort, car celle-ci est illogique, là ou l’Univers est logique partout ailleurs. Et donc une philosophie qui place le Moi en dehors de l’Univers et de ses règles. Mais le moi fait pourtant partie de l’univers, et les émotions quelles qu’elles soient sont tout aussi logiques que les mathématiques les plus simples. Quelle preuve d’humilité que de voir l’homme comme à part du reste ! Ma vision des choses ajoute à ce tableau dichotomique la présence d’autres Moi, si bien que je ne puisse pas me voir à travers ce schéma comme quelque chose de si particulier, en opposition au stoïcisme.

Cette vision des choses, je l’appellerais la philosophie de l’altruisme. Et l’une de ses bases fondamentales sera que je n’existe pas sans l’autre, et qu’il est au moins aussi important que moi.

– Choupinne

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En guise d’introduction.

Difficile d’introduire quelque chose comme ce blog : je n’ai pas la moindre idée de ce qu’il sera d’ici plusieurs mois. Sans doute un condensé de pensées, de réflexions sur le monde, les gens, peut-être un peu sur moi, sur Choupinne ou sur d’autres.

Sans doute y écrirais-je des nouvelles, des poèmes, peut-être y posterais-je des dessins ou d’autres réalisations que j’aurais eu le courage de terminer. Et peut-être même celles dont ce n’est pas le cas ?

Mes motivations pour la création de ce blog sont assez floues : une envie de créer, de partager, de laisser une trace de toute ce qui peut me traverser l’esprit de temps à autre. Garder un carnet de note sur la perception et l’interprétation que j’ai de mon environnement. Quelque chose que je me plairais à lire dans plusieurs années. J’aimerais aussi beaucoup en faire profiter d’autres également ! A la seule conditions que ceux-ci soient intéressés par nous, car c’est bien de cela qu’il s’agira. C’est certainement égocentrique, mais de toute façon, un blog est égocentrique par nature. En tout cas ce genre de blog.

Étrangement c’était assez facile de commencer à le créer. Pourtant il fallait absolument que le nom soit parfait, pourtant Noscobates Aurotenia m’est venu assez vite. En fait ce n’est sans doute pas parfait (et sans doute pas l’idéal pour le référencement ou pour donner l’adresse à quelqu’un de vive voix), mais ça me conviens, et je m’y habituerais.
Le nom vient d’une espèce de grenouille dendrobate “phyllobates aurotaenia”, qui outre le fait d’être plutôt jolie (et d’avoir exactement les couleur d’une salamandre sans en être une) est aussi toxique, comme d’autres du genre phyllobates. J’ai remplacé le préfixe “phyllo” (feuille) par nosco (connaitre), parce que je ne voulais pas avoir un nom de grenouille comme nom de domaine, et parce que mon blog s’articulera probablement autour de la connaissance. De moi, des autres, du monde.

En fin de compte, cette introduction est assez inutile, puisque je ne sais pas ce que j’introduis. Mais au moins les lignes générales sont posées.

– Guibole

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